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Cauchemar en rouge

Il se réveilla sans savoir ce qui l’avait réveillé quand une deuxième secousse, venant une minute après la première, vint secouer légèrement son lit et faire tintinnabuler divers objets sur la commode. Il resta allongé, attendant une troisième secousse qui ne vint pas.
Il n’en comprit pas moins qu’il était désormais bien réveillé et qu’il lui serait impossible de se rendormir. Il regarda le cadran lumineux de sa montre-bracelet et constata qu’il était tout juste trois heures, le plein milieu de la nuit. Il sortit du lit et, vêtu de son pyjama, s’approcha de la fenêtre. Celle-ci était ouverte et laissait entrer une brise fraîche ; les petites lumières scintillaient dans le ciel noir et il entendait tous les bruits de la nuit. Et quelque part, des cloches. Pourquoi faire sonner des       cloches à         une     heure  pareille ? Les légères secousses ressenties chez lui avaient-elles correspondu à des tremblements de terre survenus ailleurs, dans le voisinage ?   Ou un vrai tremblement de terre était-il imminent ; les cloches avertissant les habitants et les invitant à quitter leurs maisons pour avoir la vie sauve ?
Soudain, poussé non par la peur mais par une étrange impulsion qu’il n’avait absolument pas envie d’analyser, il éprouva le besoin d’être là dehors et non dans sa chambre. Il fallait qu’il coure, il le fallait.
Et déjà il courait, franchissant le hall, passant la porte d’entrée, courant sans bruit, pieds nus, le long de l’allée toute droite menant à la grille. Et il franchissait la grille qui se refermait toute seule derrière lui, et il courait dans le champ... Le champ ? Était-ce normal, qu’il y eût un champ là, juste devant sa grille ? Surtout un champ parsemé de poteaux, de poteaux massifs, semblables à des poteaux télégraphiques tronqués, pas plus hauts que lui ? Mais avant qu’il ait eu le temps de mettre de l’ordre dans ses idées, de reprendre les choses à zéro et de se rappeler où il était, qui il était et ce qu’il était venu faire là, il y eut une nouvelle secousse. Plus forte, cette fois ; une secousse qui le fit vaciller en pleine course et heurter à toute volée un des mystérieux poteaux ; un coup qui lui fit mal à l’épaule et dévia sa course sans la ralentir mais en lui faisant perdre pied. Qu’était donc cet étrange et irrésistible besoin qui le faisait courir, et vers où ?
C’est alors que vint le vrai tremblement      de     terre ;        la      terre parut se soulever sous lui et s’ébrouer ; quand ce fut fini, il se retrouva étendu sur le dos, les yeux braqués sur le ciel monstrueux dans lequel apparut alors subitement, en lettres de feu rouges et hautes d’allez savoir combien de kilomètres, un mot. Le mot était TILT. Et pendant qu’il était fasciné par ce mot, toutes les autres lumières éblouissantes disparurent, les cloches cessèrent de sonner et ce fut la fin de tout.

Fredric Brown, « Cauchemar en rouge »



Asia H.



Eva G.

Caméron S.

Benjamin D.

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